Nous étions réunis hier tout près de Cosne, à Saint-Père, dans cette salle accueillante de la Bergerie. Pas plus de loup que d’agneau en ce lieu, mais plusieurs dizaines de militants socialistes et de sympathisants venus écouter une conférence de Gaëtan Gorce à l’occasion du 150ème anniversaire de la naissance de Jean Jaurès. Il était temps !, a-t-on envie de dire … L’on allait achever cette année 2009 sans évoquer, dans le département de la Nièvre, dans sa fédération, la vie et les idées de ce grand Socialiste.
Le débat fut à la hauteur du sujet traité : passionnant. Grâce à la qualité de l’intervenant, bien sur, dont la réclame n’est plus à faire, mais aussi grâce à l’intervention d’un Claude Marnière en grande forme et dont la connaissance de l’histoire et le goût pour les idées sont toujours aussi vifs. Claude nous interroge sur la façon dont nous pouvons nous servir de l’œuvre de Jaurès pour sortir de l’ornière où nous sommes retenus et redonner un futur à l’idéal socialiste.
On est bien sur très tenté de se placer dans la perspective dessinée par Claude et de mettre ses pas dans les siens, pour lui répondre.
Jaurès, pour moi qui suis venu au socialisme par lui, c’est tout autant la générosité dans l’engagement, le sens de l’idéal socialiste et l’intelligence dans l’action. C’est une pensée foisonnante et cohérente qui recherche la justice sociale et veut rendre leur dignité aux hommes en assurant à chacun son juste salaire, qui croit au progrès de l’humanité et veut consolider pour tous les libertés d’agir, de penser et de croire, et qui lutte de façon infatigable, et finalement au prix de sa propre vie, pour la paix dans le monde.
Jaurès, c’est aussi l’intelligence de vouloir rassembler tous les Socialistes, allemanistes, gesdistes, blanquistes, possibilistes, indépendants, jusqu’alors si divisés, et par là même affaiblis, pour donner au mouvement une force capable d’emporter l’adhésion des Français et de changer la société après une conquête démocratique du pouvoir.
Jaurès, c’est enfin une volonté d’unifier les prolétariats de tous les pays d’Europe pour éviter un nouveau conflit continental qu’il prédit avant tout le monde et dont il pressent l’ampleur et l’extrême gravité.
Son discours dit « à la Jeunesse », prononcé le 30 juillet 1903 au Lycée d’Albi, 11 années jour pour jour avant son assassinat, est à relire absolument et à méditer. Permettez-moi d’en citer quelques extraits.
« L'humanité
est maudite, si pour faire preuve de courage elle est condamnée à tuer
éternellement. Le courage, aujourd'hui, ce n'est pas de maintenir sur le monde
la nuée de la Guerre, nuée terrible, mais dormante dont on peut toujours se
flatter qu'elle éclatera sur d'autres. Le
courage, ce n'est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits
que la raison peut résoudre ; car le courage est l'exaltation de
1'homme, et ceci en est 1'abdication. Le courage pour vous tous, courage de
toutes les heures, c'est de supporter sans fléchir les épreuves de tout ordre,
physiques et morales, que prodigue la vie.
« (…)
Le courage, c'est de comprendre sa propre vie, de la préciser, de
l'approfondir, de l'établir et de la coordonner cependant à la vie générale. Le
courage, c'est de surveiller exactement sa machine à filer ou tisser, pour
qu'aucun fil ne se casse, et de préparer cependant un ordre social plus vaste
et plus fraternel où la machine sera la servante commune des travailleurs
libérés. »
« (…) Le
courage, c'est de dominer ses propres fautes, d'en souffrir, mais de n'en pas
être accablé et de continuer son chemin. Le courage, c'est d'aimer la vie et de
regarder la mort d'un regard tranquille ; c'est d'aller à l'idéal et de
comprendre le réel ; c'est d'agir et de se donner aux grandes causes sans
savoir quelle récompense réserve à notre effort l'univers profond, ni s'il lui
réserve une récompense. Le courage,
c'est de chercher la vérité et de la dire ; c'est de ne pas subir la loi
du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de
notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées
fanatiques. »
Un message
délivré aux lycéens albigeois dans le contexte de l’avant Grande guerre. Un
message qui résonne d’un éclat particulier dans le contexte plus restreint de
nos petites guerres intestines socialistes …
Relire Jaurès,
une valeur sûre !
Et qui vaut
toujours mieux que de suivre le conseil du GQ de décembre …
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