Nous commémorons ce lundi 2 avril 2012 le 141ème anniversaire du décret pris par la Commune de Paris pour instaurer la laïcité.
Ce texte, d’application quasi nulle, la Commune ne dura qu’un peu plus de deux mois, s’inscrit toutefois dans un continuum, depuis les premiers pas de la Révolution française (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses », Constitution de 1791 qui instaure la liberté des cultes et accorde les mêmes droits aux différentes religions, Décret thermidorien de 1795 qui sépare l’Eglise et l’Etat : « La République ne salarie aucun culte, la loi ne reconnaît aucun ministre du culte ».) jusqu’à la loi du 9 décembre 1905 toujours en activité.
Il est donc intéressant de relire le texte de 1871 :
« La commune de Paris,
Considérant que le premier des principes de la République française est la liberté ;
Considérant que la liberté de conscience est la première des libertés ;
Considérant que le clergé a été complice des crimes de la monarchie contre la liberté
Décrète
Article 1 : L’Eglise est séparée de l’Etat.
Article 2 : Le budget des cultes est supprimé.
Article 3 : Les biens dits de mainmorte, appartenant aux congrégations religieuses, meubles et immeubles, sont déclarés propriété nationale.
Article 4 : Une enquête sera faite immédiatement sur ses biens, pour en constater la nature et les mettre à la disposition de la nation. »
De ce continuum laïque français, on doit retenir plusieurs éléments forts. D’abord qu’il est mis fin au statut de religion d’Etat accordé au catholicisme. Ensuite, et par voie de conséquence, que tous les croyants sont mis sur le même pied d’égalité, ainsi que ceux qui ne croient pas. Enfin, que les croyances sont réservées à la sphère privée.
La laïcité à la française exprime donc des valeurs de tolérance. En premier lieu parce que la liberté de conscience qui en découle ne remet pas en cause la liberté de pratiquer un culte religieux mais au contraire l'entérine, la protège. En second lieu parce qu’elle assure à tous les citoyens au sein de la sphère publique les mêmes droits, sans distinction d’origine, de croyance, de sexe, de mœurs, etc.
Ce rappel historique permet de jeter un regard éclairé sur la façon dont la laïcité est abordée dans le grand débat démocratique précédent l’élection présidentielle toute proche. Ce dont je parlais dans mon billet daté du 18 mars.
Qu’il me soit permis de tracer un parallèle supplémentaire entre ce temps reculé de notre histoire et le temps présent.
Ce matin, dans les colonnes de la presse lorraine, Nicolas Sarkozy s’en est pris une fois de plus aux syndicats, en prenant soin d’opérer une grossière distinction entre les salariés et leurs représentants, c'est-à-dire en établissant une différence entre le bon salarié, celui qui travaille, et le mauvais salarié, syndiqué, qui revendique des droits.
Cela m'amène à évoquer Adolphe Thiers, celui-là même qui réprima dans le sang la Commune en s'alliant aux Prussiens. Laïcité, instruction et émancipation étant étroitement liées, rappelons ce que ce dernier évoquait plusieurs décennies auparavant dans De la Propriété :
« Je dis qu’il faut bien regarder avant d’étendre démesurément partout l’instruction primaire… Lire, écrire, compter, voilà ce qu’il faut apprendre : quant au reste, cela est superflu. Il faut bien se garder surtout d’aborder à l’école les doctrines sociales, qui doivent être imposées aux masses… L’instruction est un commencement d’aisance, et l’aisance n’est pas réservée à tous … Je ne puis consentir à laisser mettre du feu sous une marmite sans eau. Je demande formellement autre chose que ces instituteurs laïques dont un trop grand nombre sont détestables ; je veux des Frères… Je demande que l’action du curé soit forte, beaucoup plus forte qu’elle ne l’est, parce que je compte beaucoup sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici pour souffrir. »
Entre Adolphe Thiers, le « Foutriquet », le « Nain grotesque », et Nicolas Sarkozy, on voit aisément combien les similitudes ne s’arrêtent pas à la petitesse de la taille mais s’étendent aussi à l’étroitesse de la pensée !
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